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La Résistance à l’Oppression, manifeste de la révolution, contenait un paragraphe relatif à chaque classe opprimée sous le régime impérial : chacune éleva immédiatement ses prétentions à être gouvernée différemment.

Le militaire, dont on avait plaint le sort sous une discipline sévère et une subordination absolue, voulut s’en affranchir sans mesure ; il sentait qu’il était fort et que ses chefs avaient besoin de lui.

Le cultivateur, que la verge et le bâton contraignaient au travail, avait certainement raison de ne vouloir plus être mené par de tels moyens ; il prit en haine ses gérans, ses conducteurs, les officiers inspecteurs de culture ou de gendarmerie qui, tous, lui faisaient administrer de dures corrections. Des fêtes et des réjouissances avaient lieu dans les villes par la mort du tyran ; il se relâcha de ses travaux de culture pour danser et se réjouir aussi dans les campagnes.

L’habitant des villes voulut jouir d’une liberté illimitée, presque sans police.

Le propriétaire, dépossédé injustement, rentra en possession de son bien, sans autre autorité que sa volonté personnelle. Même les individus qui avaient réclamé des biens sans titres valables, crièrent contre l’injustice du tyran et de ses fonctionnaires ; ils prétendirent à occuper ces biens.

Le commerçant, qui avait souffert des vexations dans son industrie, aspira à n’avoir désormais aucune entrave, aucune restriction légale dans sa liberté d’action.

Telle était la situation des choses et des esprits, au lendemain de la révolution du 17 octobre. Dans un tel conflit de prétentions diverses, d’intérêts privés à ménager, surtout dans les localités où avait éclaté l’insurrect-