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Quelle différence de la vertu au crime ! Quel contraste ! À peine respirons-nous, après la grandeur de nos dangers, qu’en élevant nos mains vers l’Essence suprême, votre nom, vos qualités inestimables, vos peines, votre patience à les supporter : tout vient se retracer à nos cœurs et nous rappeler ce que le devoir, la reconnaissance, l’admiration nous inspirent pour vous. Consolez-vous, Madame ; vous êtes au milieu d’un peuple qui consacrerait sa vie pour votre bonheur : oubliez que vous fûtes la femme de Dessalines, pour devenir l’épouse adoptive de la nation la plus généreuse, qui ne connut de haine que contre son seul oppresseur. Vos biens, vos propriétés, tout ce qui vous appartient, ou sur quoi vous avez quelques droits, sont un dépôt confié à nos soins pour vous le transmettre dans toute son intégrité ; ils sont sous la sauve garde de l’amour de vos concitoyens. C’est au nom de toute l’armée, dont je me glorifie d’être aujourd’hui l’interprète, que je vous prie, Madame, d’agréer l’assurance des sentimens qui l’animent pour vos vertus, et dont les traits gravés dans tous les cœurs ne pourront jamais s’effacer.

J’ai l’honneur de vous saluer avec respect,
Signé : Petion[1].

La nouvelle de la mort de Dessalines avait franchi les distances avec une rapidité extraordinaire : le 19 octobre, Christophe en était informé par des lettres du colonel Pierre Toussaint, de Saint-Marc, et du général Vernet, de Marchand.

Nous avons dit qu’instruit de l’insurrection du Sud par l’empereur, il se prépara aussitôt à immoler Capois ; mais il ne pouvait commettre cet attentat, que s’il apprenait le succès des insurgés. Et nous croyons que M. Madiou se trompe, en disant que : « Christophe, dès les premiers jours d’octobre, avait su qu’une révolte dut éclater contre Dessalines dans l’arrondissement des Cayes, etc.[2] »

  1. Cette lettre, celle à Christophe et la Résistance a l’Oppression fuient écrites par Sabourin qui, dès lors, fut attaché à Pétion et à sa politique.
  2. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 317.