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nes. Une indépendance politique conquise par les armes, au milieu des passions de toutes sortes, après des actes inouis de perfidie et de cruauté, exigeait, selon les idées de l’époque, un langage plein de fureur et de vengeance, puisqu’on était décidé à en exercer sur les Français restés dans le pays, sur la foi des promesses récidivées qui leur avaient été faites. Pour effectuer ces terribles représailles, il fallait y exciter le peuple par un tel langage.

Le 31 décembre, Charéron lut son travail pour Dessalines, en présence des généraux et de tous les autres officiers. La cérémonie de la déclaration d’indépendance devait avoir lieu le lendemain, 1er janvier 1804, pour commencer l’ère nouvelle avec la nouvelle année. Ce long exposé de faits et de principes produisit une impression fâcheuse sur l’esprit de Dessalines, qui était ardent et animé de vengeance. Il manifesta une désapprobation formelle de l’œuvre de Charéron.

Alors, Boisrond Tonnerre, jeune homme bouillant d’ardeur, passionné, exalté par tous les crimes dont il avait été témoin aux Cayes de la part des Berger, des Kerpoisson et de leurs infâmes suppôts, par tous ceux commis en d’autres lieux, comprenant mieux la situation que son collègue ; connaissant d’ailleurs la pensée du général en chef ; Boisrond Tonnerre prononça ces paroles sanguinaires : « Pour dresser l’acte de notre indépendance, il faut la peau d’un blanc pour servir de parchemin, son crâne pour écritoire, son sang pour encre, et une baïonnette pour plume. »

Ces idées inhumaines transportent Dessalines. « Oui, dit-il, c’est positivement ce qu’il nous faut, c’est ce que je veux. Je te charge de la rédaction de ces actes. » Les assistans, ou frémissent ou applaudissent, en raison