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plorons les égaremens, dès qu’il lui fallut gouverner et administrer son pays. Il n’était pas personnellement a la hauteur de cette nouvelle mission, et il eut encore le malheur d’être entouré d’hommes immoraux et perfides qui contribuèrent à l’égarer, qui le poussèrent à sa ruine[1].


Il était à peine tombé sous la décharge des troupes, quand l’adjudant-général Etienne Mentor, son aide de camp, son favori, l’un de ces hommes perfides, vrai caméléon politique, s’écria : « Le tyran est abattu ! Vive la Liberté ! Vive l’Egalité ! » Il voulait se racheter par ce cri infâme, et se compromit peut-être davantage aux yeux de ceux qui devenaient tout-puissans au Port-au-Prince ; car, que pouvait-on espérer d’un tel protée, s’il venait à s’asseoir au conseil du nouveau chef déjà proclamé, comme cela devenait possible, d’après les particularités du conciliabule des Cayes, rapportées plus avant ?

Aussi prétend-on, qu’aux funérailles qui honorèrent le dévouement généreux de Charlotin Marcadieu, « le général Pétion, jetant un regard courroucé sur Mentor et Boisrond Tonnerre, dit que Charlotin avait été le seul des favoris de Dessalines qui n’eût pas cherché à l’égarer[2]. »

Les troupes et les citoyens en foule assistèrent à cette cérémonie funèbre, remplie avec magnificence : témoignage flatteur pour la mémoire de celui qui comprit son devoir militaire. Cette douleur publique, cet hommage rendu au courage malheureux, consolent le cœur des excès dont il se plaint en cette circonstance ; ils contri-

  1. Voyez dans l’Histoire d’Haïti, t. 3, p. 327 à 330, l’excellent résumé biographique que M. Madiou a produit sur Dessalines.
  2. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 326.