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portait sous ses premiers habitans, — Haïti. Victimes de la cupidité cruelle des Espagnols, ces intéressans insulaires avaient partagé l’esclavage et les souffrances des premiers Africains amenés sur le sol de leur pays, ils avaient résisté ensemble contre leurs tyrans : leur mémoire réclamait cette nouvelle protestation contre la vaniteuse injustice de Colomb, contre ses pareils qui avaient fait prévaloir le nom de Saint-Domingue. C’était encore un nouveau moyen de rompre avec le passé colonial, justement abhorré.

Parmi les officiers de l’état-major du général en chef, qui lui servaient de secrétaires en même temps, Charéron et Boisrond Tonnerre se distinguaient le plus par leur instruction reçue en France. Juste Chanlatte, qui y fut élevé aussi et qui devint son secrétaire général peu après, était alors aux Etats-Unis, où il s’était réfugié depuis assez longtemps.

Charéron était plus âgé que ses collègues et d’un caractère modéré : il jouissait de toute la confiance de Dessalines, qui le chargea de rédiger les actes nécessaires dans la circonstance. Esprit méthodique, admirant l’œuvre de Jefferson, il songea à en faire une sur ce modèle, pour déclarer l’indépendance du second peuple de l’Amérique qui s’affranchissait du joug européen. On assure qu’il fit un bon et beau travail, où il exposait tous les droits de la race noire, et les justes plaintes de la population indigène contre la France. Mais c’était néanmoins, à ce qu’il paraît, une longue énumération de principes et de faits, qui, par la modération de son rédacteur, manquait de chaleur et d’énergie.

Evidemment Charéron n’avait pas saisi l’esprit de son temps, et surtout celui du général en chef des indigè-