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qu’on ne le fait ordinairement à l’égard d’un ennemi étranger. Cela s’est toujours vu en tous pays.

Ce déplorable parti étant pris, Racolier, l’homme sans entrailles, fut chargé de l’exécution des deux généraux. Il notifia à Lafleur l’ordre qu’il avait reçu, disait-il, de le conduire au camp Gérard. Lafleur obéit en montant à cheval au milieu des dragons qui l’escortaient. Arrivé au carrefour Fonfrède, Racolier cria : Halte ! L’infortuné Lafleur vit que son heure suprême avait sonné : conservant un rayon d’espérance, il céda à un mouvement tout naturel dans sa triste position ; éperonnant son cheval, il le lança au grand galop. Mais Racolier ordonna une charge contre lui ; atteint par les dragons devant l’habitation Labarrère, il fut massacré à coups de sabre.

Tandis que Racolier se dirigeait avec sa troupe au camp Gérard, la mère de Lafleur, à un âge déjà avancé, qui l’avait suivi, arriva et vit le cadavre de son fils gisant sur la route, lorsqu’elle croyait qu’elle eût pu lui porter des soins dans sa détention. Rassemblant ses forces dans sa douleur maternelle, et aidée de quelques cultivateurs, elle lui donna la sépulture sur les lieux mêmes.

Bientôt, ce fut le tour de Moreau. Il était à table, quand il entendit le son de la trompette ; il s’informe de ce que cela peut être, et on lui répond : « Ce sont les dragons des Cayes. — Allons, mes amis, dit-il, c’en est fait de moi ! » Il se lève et s’habille promptement. Racolier entre dans la chambre où il était, et lui dit qu’il avait ordre de le conduire aux Cayes. « Allons-y, mon camarade, répondit-il : je suis prêt. » On le fit monter à cheval ; et, placé au milieu des dragons, quand il arriva au carrefour Touya, il dit avec sang-froid : « Eh bien ! ne sommes-nous pas convenablement ici ? — Non, général, un