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brutalement sa population aborigène en s’en emparant.

Et à qui revenait mieux la noble mission de proclamer l’indépendance si bravement conquise, qu’aux chefs de l’armée qui avaient versé leur sang sur le champ de bataille, en dirigeant les efforts de leurs frères ? Ils étaient naturellement les représentans de la souveraineté de la nation qui allait se constituer au milieu des Antilles : il n’appartenait donc qu’à eux de manifester sa volonté en cette circonstance.

Procéder différemment, c’eût été se placer dans la nécessité d’appeler au concours d’une si énergique résolution, la plupart des colons ou autres Français restés à Saint-Domingue après l’expulsion de l’armée expéditionnaire. Un tel amalgame n’eût été qu’une dérision. D’ailleurs, l’autorité militaire avait toujours dominé dans le pays, avant et depuis les premiers troubles révolutionnaires ; et l’assemblée civile et politique, formée par Toussaint Louverture sur les erremens des assemblées coloniales, avait prouvé l’influence pernicieuse des colons dans les conseils publics. Enfin, les derniers crimes commis par Rochambeau sur la population, le rétablissement de l’esclavage, effectué dans les autres possessions de la France, avaient fait prendre la détermination d’exclure tous les hommes de la race blanche de la nouvelle société.

Pénétré de ses devoirs, et dominé par la pensée d’arriver promptement à la déclaration de l’indépendance, dès les premiers jours de décembre 1803, Dessalines ordonna le renvoi à leurs cantonnemens respectifs de toutes les troupes qui avaient concouru à la prise du Cap, après leur avoir fait distribuer une grande partie de l’argent provenant d’une contribution de guerre imposée aux blancs de cette ville, comme à ceux du Port-au-