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nelle : les autres personnes, parmi lesquelles étaient A. Pilié, furent placées dans une autre chambre avec la faculté d’en sortir à volonté. Après cela, Messeroux congédia le gros de ses bandes et partit pour les Cayes avec quelques chefs : il n’y entra pas cependant immédiatement.[1]

Quoique Wagnac eût ordonné de dresser les feuilles de solde de suite, dans l’après-midi du 10, les quartiers-maîtres ne les firent que le samedi 11, et si imparfaitement, qu’il fut ordonné de les refaire : ce qui eut lieu le 12.

Dans une réunion des chefs, ce jour-là, chez Papalier, Racolier fit observer qu’on décidait de tout, sans faire participer Messeroux qui avait été le premier à organiser la résistance. En conséquence, on l’envoya chercher dans les environs des Cayes où il se tenait. Il y entra le dimanche 12, vers 7 heures du soir, dans un tel état d’ivresse, qu’il ne put conserver aucun prestige : il divaguait. Les vrais chefs ordonnèrent de l’emprisonner.

Il était logé chez son cousin, nommé Sully : en apprenant qu’une garde y arrivait pour l’arrêter, il ouvrit une grosse malle et s’y enferma. Découvert dans ce singulier réduit, le juge-général dut se résigner piteusement à aller se loger en prison. Relâché le lendemain, il reconnut que son rôle était fini, sinon aux Karatas mêmes, du moins au camp Gérard ; et il regagna ses pénates, « en jurant, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. »

Dans les événemens les plus graves, il y a presque toujours un côté comique qui surgit comme pour dérider les

  1. Notes d’A. Pilié, qui resta auprès de Moreau, qui lui donna des témoignages de compassion dans son malheur jusqu’au 15 octobre, la veille de sa mort, où il reçut l’ordre de rentrer aux Cayes.