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des choses, il était sans doute convenable d’ajourner cette entreprise militaire, afin de fixer les habitans du pays, la France elle-même et le monde entier, sur le but que s’étaient proposé les chefs qui avaient dirigé la résistance contre l’autorité de la métropole.

Liberté ou la mort ! fut la devise choisie et inscrite par Dessalines sur le drapeau indigène, lorsqu’il retrancha la couleur blanche du drapeau tricolore de la France.

En adoptant ainsi un nouveau signe de ralliement pour son armée, il avait notifié déjà aux Français, contre lesquels il combattait, la résolution, irrévocablement prise par lui et ses lieutenans, de proclamer l’indépendance de Saint-Domingue après la victoire ; car il eût été absurde de leur part de résister et de vaincre, pour rester encore placés sous la domination de la France. Cette métropole avait trop abusé de sa puissance en réagissant contre les droits acquis et reconnus par elle en faveur de la race noire, pour ne pas provoquer cette séparation devenue indispensable au maintien, à la conservation de ces droits.

D’ailleurs, la conquête, heureux fruit d’une guerre juste, avait résolu le problème posé depuis 1789 entre les oppresseurs et les opprimés. Elle était aussi légitime pour les hommes de la race noire qu’elle l’avait été pour les colonies anglaises de l’Amérique septentrionale, révoltées contre l’oppression de leur métropole par des causes bien moins importantes aux yeux de l’humanité ; car, pour eux, il avait fallu combattre pour ne pas rentrer sous le joug ignominieux de l’esclavage. Leur droit à posséder leur pays était plus jusie, plus légitime, que pour les Français, envahissant une portion de ce pays sur les Espagnols ; — que pour ces derniers, immolant