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partagèrent leur indignation, parce qu’ils s’attachent à ceux qui les ont toujours commandés, qui ont vécu de la vie militaire avec eux.

Ainsi, Moreau, le représentant principal de l’empereur aux Cayes et dans toute la division, chef militaire, ne pouvait plus compter ni sur ses compagnons d’armes, ni sur les citoyens, pour réprimer une tentative quelconque contre l’autorité impériale.

Papalier et Beauregard, ses lieutenans immédiats aux Cayes, n’avaient pu rester dans l’ignorance du projet de Geffrard ; et, sans concevoir l’idée de se faire chefs de parti, ils n’avaient pu que recevoir avec dégoût, avec indignation, l’ordre de Dessalines de trancher la tête de Rigaud, s’il venait à paraître[1]. Ils ne pouvaient donc être disposés à seconder Moreau dans ses mesures de répression, s’il y avait lieu ; car lorsqu’un chef de gouvernement contraint des officiers d’honneur à avoir pour lui de tels sentimens, et qu’ils voient d’ailleurs quelles sont ses tendances liberticides et destructives de toute sécurité, ces officiers sont plutôt enclins à se ranger du côté de la résistance que du côté de l’oppression.

D’autres officiers influens partageaient leurs sentimens : c’étaient Wagnac, Bourdet, Voltaire, Racolier, Lafrédinière, Pérou. Ils avaient encore l’assentiment secret des fonctionnaires publics révoqués ou froissés, des citoyens plus ou moins influens dans la société, tels que Quenez, Boisrond Canal, Tapiau, etc.

Tous, enfin, savaient que Geffrard s’était entendu avec

  1. Papalier et Beauregard ont pu n’être pas entrés dans le projet de Geffrard, mais ils n’ont pas pu l’ignorer, puisque Moreau le dénonça à Dessalines. Celui qui paraît avoir été positivement complice de Geffrard, est le colonel Wagnac commandant de la cavalerie.