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des citoyens qui avaient déjà été régulièrement mis en possession de leurs biens. Il quitta Jacmel après avoir excité beaucoup de mécontentement[1]. »

Ce ne fut pas là seulement qu’il excita du mécontentement : sur toute sa route par le Grand-Goave, le Petit-Goave, l’Anse-à-Veau, jusqu’à Jérémie, de Jérémie aux Cayes par Tiburon, ce fut un concert d’improbation, une unanimité de plaintes, à propos de l’incendie ordonné par Dessalines, de tout le bois de campêche coupé et exposé sur le littoral, pour être transporté dans les ports et vendu pour l’exportation. L’arrêté du 22 décembre 1804 avait défendu l’exploitation du campêche, sans doute pour favoriser la production des autres denrées, telles que sucre, café, coton, cacao, etc.[2]La contrainte et la rigueur étant le système général de l’empire, l’empereur devait arriver à cette exécution par le feu qui lui plaisait tant à voir. Un certain empereur romain ne fît-il pas incendier Rome, pour jouir de ce spectacle ? Les hommes de tous les temps et de toutes les races se ressemblent sous tous les rapports.

Toussaint Louverture avait défendu l’exploitation du bois d’acajou, dans l’Est où ce genre de travail était une ancienne industrie pour les habitans, en permettant celle du campêche et autres bois de teinture. Dessalines défendit cette dernière qui n’avait jamais été, effectivement,

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 275.
  2. Si l’on admet que le gouvernement avait le droit de contraindre à produire le sucre, le café, le coton, etc., plutôt que le campêche, il faudra aussi lui reconnaître le droit de contraindre le commerce étranger à former ses cargaisons d’exportation avec une égale quantité de ces trois espèces de denrées. Le producteur doit-il avoir moins de liberté que le commerçant ? Il faut éclairer les hommes sur ce qu’il est de leur intérêt de produire, et non les contraindre a préférer telle ou telle production.