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ce douloureux événement, quand l’empereur commit un de ces actes, un de ces crimes qui révoltent la conscience publique. Sous l’administration de Rigaud, il y avait à Miragoane un Français nommé Noblet, qui y exerçait les fonctions de trésorier. Cet homme, de même que Pelletier dont nous avons parlé dans notre 3e volume, avait des principes et des sentimens libéraux ; il avait hautement approuvé la liberté générale, il était l’ami des hommes éclairés de la race noire. À la fuite de Rigaud, redoutant encore plus les colons, ses compatriotes, que la fureur de Toussaint Louverture, il s’était éloigné du pays : pendant l’occupation française sous Leclerc et Rochambeau, il resta encore à l’étranger, par les mêmes motifs. Mais, dans le courant de 1804, il était revenu en Haïti, comptant sur son ancien dévouement à la race noire. En effet, sur l’attestation qui fut donnée à Dessalines de toute sa conduite, il l’avait admis à jouir de la qualité d’Haïtien. Noblet habitait Miragoane de nouveau et y vivait en bon et paisible citoyen, lorsqu’un ordre impérial le manda à Marchand. Pour y faire quoi, grand Dieu ! Pour y être assassiné, et il le fut, « parce qu’il avait osé rentrer en Haïti, après la publication qui anathématisait les Français.[1] »

Mais, et cet accueil qui lui fut fait à son retour dans le pays, et ce titre de citoyen d’Haïti qui lui fut accordé ?… À la nouvelle de cet assassinat, on ressentit une vive indignation dans le Sud, car Noblet y était généralement estimé.

Un nouvel assassinat occasionna le même sentiment dans l’Ouest, à peu près à la même époque.

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 272.