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sorti du sein de ces derniers, et à le porter à entrer complètement dans ses vues liberticides. Devenu l’aveugle instrument de ces desseins rétrogrades, ce chef agit avec fureur contre ses propres frères, dans une guerre civile allumée par le machiavélisme déhonté du gouvernement directorial.

Alors apparut en France un nouveau gouvernement, dirigé par un héros, un grand capitaine doué d’un génie transcendant. Si le génie lui-même n’était sujet à toutes les aberrations de l’esprit humain, ou à subir l’influence des erreurs de son époque, des précédens établis, on devrait s’étonner que, loin de réparer l’iniquité des procédés de son prédécesseur envers Saint-Domingue, le gouvernement consulaire ait cru devoir continuer le plan dressé pour la restauration de l’ancien régime colonial, que la métropole avait détruit. Peu importait, en effet, que ce fût dans un élan d’enthousiasme ou sous la pression d’événemens extraordinaires : le fait était accompli, consommé ; il était un heureux résultat de principes généreux, en harmonie avec la justice éternelle, avec le droit compétent à l’humanité entière. Il fallait donc le consacrer, le réglementer s’il était besoin ; et la France eût trouvé alors une nouvelle puissance, dans sa juste action sur les destinées des colonies européennes en Amérique.

Mais, loin de là : la paix générale en Europe vint faciliter une criminelle entreprise contre la liberté des Noirs. Elle fut accueillie par eux-mêmes, tant ils souffraient de l’oppression nouvelle sous laquelle leur chef les avait placés depuis ses succès dans la guerre civile, tant ils avaient foi et espérance dans la justice éclairée de la France, dans la magnanimité du gouvernement qui la rendait si respectable.