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randa, natif de Caracas, qui avait organisé une expédition en Angleterre et qui arrivait alors des États-Unis, pour se porter à Carthagène d’où il espérait soulever contre l’Espagne, toute la Côte-Ferme comprenant la Nouvelle-Grenade et le Venezuela, son pays natal. Présenté à l’empereur, Miranda en fut bien accueilli ; et quand il lui eut dit que son dessein était de proclamer l’indépendance de ces contrées, de même qu’il l’avait fait pour Haïti, Dessalines lui demanda quels moyens il emploierait pour réussir dans un si vaste projet. Miranda répondit qu’il réunirait d’abord les notables du pays en assemblée populaire, et qu’il proclamerait l’indépendance par un acte, un manifeste qui réunirait tous les habitans dans un même esprit. À ces mots, Dessalines agita et roula sa tabatière entre ses mains, prit du tabac et dit à Miranda, en créole : « Eh bien ! Monsieur, je vous vois déjà fusillé ou pendu : vous n’échapperez pas à ce sort. Comment ! vous allez faire une révolution contre un gouvernement établi depuis des siècles dans votre pays ; vous allez pour bouleverser la situation des grands propriétaires, d’une foule de gens, et vous parlez d’employer à votre œuvre des notables, du papier et de l’encre ! Sachez, Monsieur, que pour opérer une révolution, pour y réussir, il n’y a que deux choses à faire : coupé têtes, brûlé cazes. » Miranda rit comme tous les assistans de ces moyens expéditifs dont Dessalines avait fait un si grand usage. Il prit congé du terrible Empereur d’Haïti, et fut à Carthagène où il échoua dans son entreprise[1]

  1. M. Madiou raconte autrement que nous le passage de Miranda à Jacmel : selon lui, Dessalines n’aura pas vu ce général, mais il aura envoyé l’ordre à Magloire Ambroise de bien l’accueillir et de lui donner de sa part le conseil