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ter son ministre par des mois qui faisaient allusion à son ignorance, et signaler le chef de ses bureaux comme un homme dont la corruption désorganisait les finances de l’empire ; et cependant, il souffrait cet état de choses.

Dans les paroles rapportées plus haut et relatives à l’administrateur, on se tromperait si l’on pensait qu’il y avait méprise de sa part ; il voulait plutôt ridiculiser ce fonctionnaire par une observation qui ne manque pas d’esprit. L’originalité de son caractère, ses excentricités, semblaient vouloir le plus souvent exciter le rire de ses auditeurs ; jusque dans sa manière de faire usage de sa tabalière, il y avait quelque chose de tout personnel à lui ; mais, malheureusement, cette tabatière roulait dans ses mains, trop souvent comme une sentence de mort. Il aimait la fermeté, le courage dans ceux qu’il y dévouait, et on l’a vu plus d’une fois clément envers des individus qui allaient périr par ses ordres, parce qu’ils en firent preuve publiquement.

Ce contraste autorise à croire, que si Dessalines avait passé par une autre école politique que celle de Toussaint Louverture, on n’eût pas eu à lui reprocher tant de crimes. Il eût été toujours un despote, à cause du peu de lumières qu’il possédait ; mais son despotisme eût été dégagé de ces bizarreries qui en firent un être redoutable, et un chef de gouvernement incapable de comprendre les besoins, les nécessités de son pays, après la déclaration de son indépendance. Habitué sous le régime de fer de son chef à n’employer que la contrainte, que la rigueur excessive en toutes choses ; en proie aux passions les plus fortes, il était presque impossible qu’il ne subît pas l’influence de quelques hommes pervers qui l’entouraient.

Se trouvant à Jacmel, il y vit arriver l’Espagnol Mi-