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le comble de l’arbitraire dans une matière qui réclame la plus entière liberté. C’était vouloir, en d’autres termes, repousser le commerce étranger du pays. Aussi vit-on, au Port-au-Prince, un capitaine de navire revendre à perte sur le quai, le sucre qu’on l’avait forcé à prendre, et jeter dans le port presque tout le coton, pour ne garder à son bord que le café qu’il voulait avoir.[1]

Dans le même mois de janvier, l’américain Jacob Lewis éprouva, de la part du ministre des finances Vernet, et par ordre de Dessalines, les plus grandes difficultés pour se faire livrer des cafés qui étaient dans le magasin des domaines et auxquels il avait un droit reconnu depuis juillet 1805, par règlement fait avec l’administrateur Ogé, pour les munitions de guerre qu’il avait fournies à l’État. Vernet, ou plutôt l’empereur, voulait contraindre J. Lewis à recevoir la valeur des cafés promis, moitié en sucre, et moitié en coton, ce qu’il refusait d’accepter. En même temps, on lui signifia de conduire à Saint-Marc son navire nommé l’Empereur pour en livrer la cargaison, s’élevant à plus de 75 mille piastres, à M. Brocard, agent et associé de Dessalines dans cette ville : ce qu’il fut contraint de faire. J. Lewis eut recours à Pétion, par rapport aux cafés, attendu que c’était ce général qui avait acheté la plus grande partie de ses munitions.

En février 1805, Pétion était déjà intervenu auprès de l’empereur en faveur de ce commerçant qui éprouvait des retards à être payé ; il honora son pays et son propre caractère, en lui adressant une lettre en date du 20 janvier, par laquelle il déplorait les refus que Lewis essuyait pour

  1. Dessalines a dit ensuite, qu’il avait rendu ce décret d’après les conseils de Christophe (Hist. d’Haïti, t. 3, p. 285). En ce cas, comme en tous autres, Christophe remplissait fort bien son rôle de prétendant à l’empire.