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de l’empereur, le colonel Daran, fut envoyé avec une compagnie de guides au Port-au-Prince, avec ordre au colonel Germain Frère, commandant de l’arrondissement, d’arrêter Chancy et de l’envoyer à Marchand sous cette escorte. Mis en prison d’abord, Chancy dut comprendre quel serait son sort. Le général Pétion lui envoya des pistolets ; il se fit sauter la cervelle. Ses restes reçurent les derniers honneurs par les soins de Pétion.

L’empereur pouvait comprendre alors les motifs du refus de ce dernier ; mais, au fait, Pétion avait enlevé une proie à sa vengeance, en envoyant des pistolets à Chancy ; il avait osé faire procéder à ses funérailles[1]. Dans l’esprit de Dessalines, il supporta la responsabilité de ces actes de vrai courage, surtout à cette époque, car Germain Frère ne dut pas manquer de couvrir la sienne, en faisant son rapport sur toutes ces circonstances.

Voilà donc Pétion, ainsi que Christophe et Geffrard, les trois généraux les plus influens de l’empire, en butte aux préventions, au mécontentement de l’empereur.


Si, au Cap, le général Capois ni aucun autre agent n’osaient contrarier Christophe, qu’ils savaient capable des plus grandes violences en dépit de l’autorité impériale, il n’en fut pas de même au Port-au-Prince et aux Cayes, à l’égard de Pétion et de Geffrard. Le colonel Germain et le général Moreau, sachant qu’ils étaient appuyés de cette autorité, s’attachèrent à contrecarrer ces deux derniers autant que possible, parce qu’ils étaient modérés.

  1. Un général qui put faire de telles choses, était-il susceptible d’être déconcerté, consterné en présence de Dessalines ? Ne jugeons pas de ces hommes d’après nous.