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tiraient de l’Afrique, par la ruse, la violence et un trafic illicite : ces malheureux avaient été réduits en état d’esclavage, et en Espagne même il s’en était introduit aussi dans la même condition. On avait apprécié leur constitution robuste dans les travaux auxquels ils furent condamnés.

Les Noirs africains parurent donc plus aptes à ceux qu’exigeait la colonisation d’Haïti. Dès les premières années qui suivirent sa découverte, les Espagnols en amenèrent dans cette île, et ils sollicitèrent les Portugais d’y diriger leur infâme spéculation, afin de remplacer les Aborigènes qu’ils exterminaient.

Mais ce commerce de chair humaine parut trop lucratif, pour ne pas exciter l’envie et l’appétit de quelques favoris de l’empereur Charles-Quint. Ils obtinrent facilement de ce monarque, le privilège de peupler Haïti de Noirs d’Afrique, sans pouvoir toutefois suppléer à l’activité que les Portugais y avaient mise eux-mêmes.

Ce fut dans ces circonstances qu’un religieux de l’Ordre des Dominicains, — Barthélémy de Las Casas, — ému du sort malheureux des Aborigènes et dans le but de soulager leur infortune, proposa à la cour d’Espagne de permettre aux colons espagnols de faire directement la traite des Noirs, ou du moins de les acheter des Portugais, afin de s’affranchir du monopole impuissant des favoris.

Las Casas, dont la piété et les lumières ne peuvent être révoquées en doute, voyait, a-t-on dit, dans l’adjonction d’un plus grand nombre d’Africains aux Aborigènes, un moyen de rendre moins pénibles aux uns et aux autres les travaux auxquels ils étaient assujétis. Il admit le fait existant de l’esclavage des premiers, bien que sa raison, supérieure pour son époque, le portât à condamner cet