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reur, formant son conseil privé, exerçant réellement son pouvoir législatif, avaient parlé de lui présenter une constitution aussitôt qu’il eût soumis cette ville, que même ils l’avaient faite à la hâte ; mais qu’à leur retour à Marchand, B. Tonnerre et J. Chanlatte en rédigèrent une nouvelle, sur l’invitation de l’empereur[1]. Il aurait donc eu connaissance de la première, et elle ne lui aura pas convenu. Si les choses se sont passées ainsi, c’était, de sa part et de celle de ses secrétaires, agir sans aucune considération pour les généraux qui avaient certainement acquis le droit de concourir avec lui à un acte aussi important : il avait lui-même reconnu ce droit dans la proclamation du 1er janvier 1804[2]. C’était encore le reconnaître, quand, dans sa lettre aux trois citoyens des Cayes, il leur disait qu’ils se réuniraient « sous la protection des généraux. »

Quoiqu’il en ait été, il est constant que la constitution dont nous allons produire les principales dispositions, fut rédigée à Marchand sans le concours des généraux ; qu’elle ne leur fut envoyée que tout imprimée, revêtue de leurs noms, comme s’ils l’avaient votée eux-mêmes, afin de la faire publier dans toute l’étendue de l’empire[3]. L’empereur, dictateur, autocrate, ne pouvait pas mieux faire

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 203 et 214.
  2. « En combattant pour votre liberté, j’ai travaillé à mon propre bonheur. Avant de la consolider par des lois qui assurent votre libre individualité, vos chefs que j’assemble ici, et moi-même, nous vous devons la dernière preuve de notre dévouement. »
  3. Le général Bonnet m’a dit que cette constitution ne fut pas envoyée aux généraux pour être signée par eux, qu’ils n’en ont eu connaissance qu’en la recevant tout imprimée pour être publiée. Son assertion est confirmée par des actes qu’on publia à la chute de Dessalines ; et le sans-façon avec lequel ses secrétaires agirent au siège de Santo-Domingo, où étaient réunis les généraux, vient encore appuyer ce que m’a affirmé Bonnet.