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C’est à ces conditions que je suis voire Empereur, et malheur à celui qui portera sur les degrés d’un trône élevé par la reconnaissance de son peuple, d’autres sentimens que ceux d’un père de famille !

Au quartier-général de Dessalines, le 15 février 1804.

Signé : Dessalines.
Par le gouverneur général,
L’adjudant-général, signé : Boisrond-Tonnerre.

On reconnaît le style de B. Tonnerre dans cet acte, comme celui de J. Chanlatte dans l’autre portant les noms des généraux[1].

Cette acceptation fut antidatée ainsi que la nomination, et par le même motif, — pour prouver qu’on n’avait pas marché sur les traces de la France. À qu’on bon tant de précautions ? Est-ce qu’Haïti n’avait pas le droit d’avoir aussi son Empereur ? Cet acte supposa le gouverneur général à Dessalines ou Marchand, le 15 février, tandis qu’il était alors aux Cayes ; et jusqu’au 1er septembre, il signait toujours d’après cette qualification. N’est-ce pas plutôt à ses secrétaires qu’à lui-même, qu’il faut reprocher un procédé aussi absurde ? Tout doit être sérieux, réfléchi, de la part d’un gouvernement.

Ce fut encore une faute plus grave commise par le rédacteur de cet acte, que d’avoir inséré le paragraphe relatif au choix que pourrait faire l’empereur de son successeur, parmi les jeunes généraux. Cette déclaration porta H. Christophe à devenir aussitôt hostile à Dessalines. C’était poser un nouveau principe, contraire à celui

  1. En créant le vetbs prédilecter, Boisrond Tonnerre semble avoir voulu, par ce néologisme, proclamer son indépendance de l’Académie française. Au reste, il n’est pas le seul Haïtien qui soit dans ce cas ; notre langage barbare le prouve bien.