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comme éclipsés, par le moindre acte de désobéissance au capitaine-général ; et c’est sans doute parce que Leclerc avait bien étudié ses instructions secrètes, qu’il agit comme il a fait, pour porter et T. Louverture et les noirs à la résistance, afin d’en faciliter le plan. Sous ce rapport, il faut l’avouer, une telle conduite était vraiment un chef-d’œuvre de politique[1]. Mais aussi, restait la part des événemens imprévus et dirigés par la Providence, qui sait si bien réduire au néant toutes les plus habiles conceptions humaines.

Nous remarquons encore un autre passage dans cette lettre : c’est celui qui est relatif à la guerre civile que T. Louverture avait détruite, en mettant un frein à la persécution de quelques hommes féroces. Il n’y avait eu à Saint-Domingue de véritable guerre civile, que celle entre T. Louverture et Rigaud ; car celle faite aux Anglais était une guerre contre l’étranger, et la lutte soutenue contre les colons ne constituait que des troubles, des agitations politiques. En la détruisant, en réprimant ces hommes féroces, il est donc entendu que c’est de Rigaud et de son parti qu’il s’agissait, puisque les vaincus avaient été souvent représentés en France, depuis 1796, comme persécutant les blancs, voulant égorger les Européens pour assurer le triomphe de la couleur jaune, en asservissant les noirs[2]. Cependant, Rigaud et ses officiers faisaient partie de l’expédition française ! On verra bientôt que d’autres ont été transportés de Cuba pour les rejoindre. Et plus tard, l’on a dit que c’était sur les hommes de couleur

  1. « Le gouvernement de France… avait prescrit au général Leclerc jusqu’aux plus petits détails de la conduite qu’il devait tenir en débarquant… » P. de Lacroix, t. 2, p 113.)
  2. Voyez à ce sujet t. 3, p. 195 et suivantes.