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naturel qu’il y trouvât encore un chef-d’œuvre de rédaction politique. Mais il paraît que T. Louverture ne partagea point son admiration, puisqu’il ne s’empressa pas d’aller se jeter dans les bras du capitaine-général.

Pour nous qui sommes, comme lui, de la race noire, nous y remarquons certains passages à indiquer à nos lecteurs nationaux, et avec d’autant plus de raison, que le temps a fait mettre au grand jour bien des particularités qui expliquent parfaitement la pensée secrète du Premier Consul.

D’abord, il reconnaissait les grands services rendus par T. Louverture et les braves noirs qui le secondèrent, pour assurer le triomphe du pavillon français à Saint-Domingue ; et cependant, non-seulement on lui enlevait la position que ces services lui avaient acquise et à laquelle le gouvernement français l’avait porté et maintenu jusque-là ; mais on l’avertissait qu’en cas qu’il ne se soumît pas à sa destitution ou révocation, il serait englouti dans un précipice, en entraînant avec lui les braves noirs qui ne seraient alors que des rebelles ! Y avait-il justice à rendre les noirs responsables de la désobéissance que pourrait montrer leur chef dans cette circonstance ? Qui ne voit dans une telle déclaration, le prétexte que se donnait d’avance le Premier Consul pour rétablir l’esclavage à Saint-Domingue, comme dans les autres possessions de la France ? Qui n’y voit une suite d’idées conçues depuis qu’il fût parvenu au suprême pouvoir et dont l’article du Moniteur du 15 nivôse an 8 offrait déjà l’expression, deux mois après le 18 brumaire ?

Il n’y avait donc aucune sincérité, lorsqu’on déclarait que les noirs étaient des citoyens français ; il n’y avait de sincère que la menace faite de considérer leurs services