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être incertain sur votre considération, votre fortune, et les honneurs qui vous attendent.

Faites connaître aux peuples de Saint-Domingue que la sollicitude que la France a toujours portée à leur bonheur, a été souvent impuissante par les circonstances impérieuses de la guerre ; que les hommes venus du continent pour l’agiter et alimenter les factions étaient le produit des factions qui elles-mêmes déchiraient la patrie[1] ; que désormais la paix et la force du gouvernement assurent leur prospérité et leur liberté. Dites-leur que, si la liberté est pour eux le premier des biens, ils ne peuvent en jouir qu’avec le titre de citoyens français, et que tout acte contraire aux intérêts de la patrie, à l’obéissance qu’ils doivent au gouvernement et au capitaine-général qui en est le délégué, serait un crime contre la souveraineté nationale, qui éclipserait leurs services et rendrait Saint-Domingue le théâtre d’une guerre malheureuse où des pères et des enfans s’entre-égorgeraient. Et vous, général, songez que si vous êtes le premier de votre couleur qui soit arrivé à une si grande puissance, et qui se soit distingué par sa bravoure et ses talens militaires, vous êtes aussi devant Dieu et nous, le principal responsable de leur conduite.

S’il était des malveillans qui disent aux individus qui ont joué le principal rôle dans les troubles de Saint-Domingue, que nous venons pour rechercher ce qu’ils ont fait pendant les temps d’anarchie, assurez-les que nous ne nous informerons que de leur conduite dans cette dernière circonstance, et que nous ne rechercherons le passé que pour connaître les traits qui les auraient distingués dans la guerre qu’ils ont soutenue contre les Espagnols et les Anglais, qui ont été nos ennemis.

Comptez sans réserve sur notre estime, et conduisez-vous comme doit le faire un des principaux citoyens de la plus grande nation du monde.

Paris, le 27 brumaire an 10 (18 novembre 1801).
Le Premier Consul, Bonaparte.

P. de Lacroix a fait, à l’égard de cette lettre, la même remarque qu’à l’égard de la proclamation : c’était assez

  1. Polvérel et Sonthonax, qui avaient été envoyés par les Girondins, qui mécontentèrent les colons par la liberté générale, — les colons, qui eurent tant d’influence sur l’expédition de 1802 : langage semblable au discours de Bernard Borgella. (Voir au t. 4, p. 375.)