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l’expédition française n’était nullement de protéger la race noire à Saint-Domingue ; elle venait, au contraire, pour la replacer dans l’esclavage, pour lui en faire subir toutes les conséquences. Bien que nous reconnaissions que T. Louverture fut guidé en cela, plutôt par un sentiment personnel afin de conserver son pouvoir, nous devons lui savoir gré d’avoir indiqué à ses lieutenans ce qu’il fallait faire.

Car, ces deux lettres prouvent de sa part une chose à constater : c’est qu’il s’était enfin éclairé sur le compte des blancs de France et de la colonie, en faveur desquels il avait sacrifié les droits de ses frères ; mais il était trop tard ! À un autre que lui était désormais réservée la noble mission de les affranchir du joug des Européens. Son rôle politique était achevé ; il ne lui restait plus qu’à jeter un dernier éclat sur sa brillante carrière, par les opérations militaires dont nous parlerons bientôt.


Sur le point de quitter Saint-Marc pour se rendre aux environs du Port-au-Prince et y rejoindre Dessalines, il reçut des lettres du général Paul Louverture qui lui mandaient l’apparition de la brigade Kerverseau devant Santo-Domingo, et la sommation faite par ce général de le recevoir avec sa troupe. T. Louverture renvoya immédiatement les officiers venus en mission, avec deux dépêches contenant des ordres contraires : dans l’une, il ordonnait, à son frère de résister ; dans l’autre, il lui prescrivait de prendre avec Kerverseau tous les arrangemens de conciliation possibles. La première devait être soigneusement cachée par ces officiers, et la seconde exhibée au cas où ils auraient été faits prisonniers. On verra ce qui en advint.

Il allait de nouveau continuer sa route, quand il reçut