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L’histoire d’Haïti, par M. Madiou, qui nous a beaucoup aidé dans ce volume, place ici un fait que nous nous croyons obligé d’examiner. Il est dû aux traditions populaires que cet auteur national a eu le mérite de recueillir de la bouche des survivans de toutes nos guerres, de toutes nos révolutions : ce qui lui donne des droits à notre reconnaissance personnelle, à celle de quiconque s’occupera encore de nos annales, et à celle même de notre pays qui, jusqu’à lui, ne les connaissait que confusément.

Ces traditions prétendent que le général Lavalette fît proposer au général Pétion, venu de l’Arcahaie aux environs du Port-au-Prince, d’ouvrir aux Français un marché aux portes de la ville ; que Pétion lui offrit une entrevue à cet effet, qui fut acceptée par lui ; que le lieu de la conférence ayant été fixé à Turgeau, les indigènes conçurent l’idée d’arrêter le général français ; que Pétion ordonna au colonel Gilles Drouet de se tenir en embuscade avec deux bataillons de la 3e, pour opérer cette arrestation ; mais que Lavalette, craignant un piège, ne se rendit pas à l’entrevue et y envoya Saint-James, à qui Pétion aura dit qu’il exigeait, avant toute négociation, que son neveu Méroné fût envoyé à l’Arcahaie. Lavalette y ayant consenti, Pétion envoya en parlementaire au Port-au-Prince, le capitaine Caneaux qui partit par mer avec Méroné pour l’Arcahaie ; que Pétion remit la conférence au jour suivant, mais qu’il se retira lui-même au Boucassin avec la 3e, et qu’il ne fut plus question de marché. — M. Madiou ajoute alors : « En cette circonstance, Pétion manqua à sa parole. Les Français avaient tellement trompé

    en commettant le crime de bigamie : il fut condamné à vingt années de travaux forcés.