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On a imputé, dès-lors, à Dessalines une jalousie contre Geffrard à cause de l’influence qu’il exerçait dans le Sud. On a pareillement imputé à Boisrond Tonnerre une odieuse ingratitude envers Geffrard, en disant qu’il incitait le général en chef contre lui, quoique Geffrard l’eût recommandé si généreusement[1]. Mais nous croyons également erronées l’une et l’autre tradition.

Cette lettre de Dessalines peut avoir été écrite par Boisrond Tonnerre ; mais elle ne saurait rien prouver à sa charge : secrétaire, il était tenu de formuler la pensée du chef, telle que celui-ci le voulait. Cette lettre, au contraire, nous met sur la voie de la vérité des choses. On voit bien qu’elle ne fut qu’une réponse à celle adressée par Gérin à Dessalines ; et nous n’hésitons pas à croire que c’est à Gérin qu’il faut attribuer le mécontentement qu’exprime cette réponse. On conçoit que Dessalines dut vouloir pousser les opérations militaires avec vigueur, afin d’arriver promptement à l’expulsion des Français dans le moment où les Anglais bloquaient les ports occupés par eux ; et c’est alors qu’il reçoit ces informations de Gérin, « qui avait constamment refusé de traiter avec les Français, de l’évacuation des Cayes, qu’il voulait prendre d’assaut [2]. »

Cependant, ce même Gérin avait traité de la capitulation de l’Anse-à-Veau avec le général Sarrazin, peu de temps auparavant ; il y trouva des munitions de tous genres, par la modération dont il usa envers le général français ; mais, c’était lui qui avait agi en cette circonstance[3]. Il blâmait Férou, il blâmait Geffrard, agissant

  1. Histoire d’Haïti, t. 3, p. 58.
  2. Histoire d’Haïti, t. 3, p. 59.
  3. Ibid., t. 3, p. 23.