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ment où il prenait la résolution de résister à l’armée française !

Mais, on reconnaît dans sa réponse à Rochambeau, qu’il sentait lui-même la fausse position où il s’était placé ; car il lui déclara qu’il allait combattre pour venger la mort des militaires tués au Fort-Liberté, pour défendre sa liberté personnelle, sans doute aussi son pouvoir, pour rétablir le calme et l’ordre dans la colonie. Le danger personnel qu’il avait couru excitait encore son désir de se venger. Mais fut-il inspiré par la grande et sainte idée de la liberté de sa race tout entière ? Non ! car il l’eût exprimée.

C’est qu’au fond de sa conscience, il sentait qu’il n’avait pas le droit de tenir un langage aussi généreux, après le régime insensé qu’il avait rétabli à Saint-Domingue, au détriment de ses frères. Ceux-ci ne pouvaient plus l’écouter, avoir foi dans ses promesses. L’héroïque effort qu’il fit alors ne pouvait s’appuyer que sur l’armée coloniale, par l’effet de la discipline militaire ; et cette armée elle-même, malgré le courage et la bravoure qu’elle a montrés sur le champ de bataille, fut poussée à la résistance plutôt par l’honneur de son état, que par dévouement à son chef dont le despotisme pesait également sur elle. Il en fut de même d’une portion de la population des campagnes du Nord et de l’Artibonite, mais par la haine qu’elle portait aux blancs : celle du Nord surtout avait tant souffert par rapport à eux, dans le récent épisode qui entraîna la mort de Moïse !

On peut donc le dire : en majorité, la population de toute l’île de Saint-Domingue était satisfaite de l’arrivée de l’armée française : — les colons, en voyant les forces européennes destinées à leur donner plus d’empire encore