Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin de voir le général en chef et de s’entendre avec lui sur les opérations qu’il jugerait convenables pour le succès des armes indigènes. Pétion prévint Dessalines de cette disposition, et il se rendit à l’Arcahaie. Là, se trouvèrent Cangé, Lamarre, Mimi Baude, Marion, Sanglaou, Cadet Baude, Isidor et plusieurs autres officiers. Les barges commandées par Derénoncourt et Masson les avaient transportés, par le canal entre l’Arcahaie et Léogane.

L’autorité suprême de Dessalines fut solennellement reconnue par tous ces hommes qui avaient été du parti politique de Rigaud, alors que dans le Sud Geffrard venait de la faire reconnaître également par Férou et ses compagnons. Cependant, Lamour Dérance avait été un constant partisan de Rigaud et de tous les mulâtres ; mais, entre lui et Dessalines, il n’y avait pas à hésiter. Ces deux chefs étaient noirs ; et lorsque tous ces mulâtres (excepté Sanglaou et Isidor) se décidaient en faveur de celui qui avait si énergiquement, souvent si cruellement soutenu la cause de T. Louverture contre eux, ils prouvaient d’une manière bien convaincante, qu’en soutenant eux-mêmes la cause de Rigaud, ce n’était point par rapport à sa qualité de mulâtre, à sa couleur. L’avenir de la race noire à Saint-Domingue avait été leur seul mobile en 1799 ; en 1802 et 1803, c’était encore le seul esprit qui les animait.

Et peut-on ne pas admirer la haute intelligence, le noble désintéressement de Pétion dans ces deux situations, surtout dans la dernière ? Auteur de cette œuvre politique, gage de conciliation entre les deux anciens partis qui versèrent si inutilement leur sang dans la guerre civile du Sud, cet homme célèbre, ce grand citoyen a donc