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éloquente, à la menace insultante contenue dans la proclamation consulaire, en protestant d’ailleurs contre l’invasion de l’armée expéditionnaire, sans avis préalable, sans avertissement, sans sommation convenable de se soumettre à l’autorité de la métropole. Les services rendus à la France et à ses colons par T. Louverture, par tous ses généraux, ne leur méritaient-ils pas ces égards, cette considération ? Quand on agissait ainsi envers T. Louverture qui, pour plaire aux colons, même au gouvernement français, avait replacé ses frères dans une condition si intolérable, que pouvaient espérer ces hommes ?

Que ce soit donc par instinct de sa propre conservation, ou qu’il fût plutôt poussé par cette puissance invisible qui préside aux destinées des hommes, H. Christophe réussit à réveiller le courage de T. Louverture ; car on voit que dans le mémoire de ce dernier, adressé du fort de Joux au Premier Consul, il déclare qu’il blâma son lieutenant d’avoir incendié le Cap ; ensuite, il avoue qu’il a ordonné la même mesure pour le Port-de-Paix, pour les Gonaïves : des lettres interceptées, adressées par lui à d’autres généraux, contiennent la même prescription pour d’autres villes.

Quand T. Louverture, prisonnier, a avoué de tels faits, il détruit lui-même les assertions des auteurs qui prétendent qu’avant l’arrivée de la flotte, il avait ordonné l’incendie des villes de la colonie ; il prouve encore que c’est la résolution de Christophe surtout qui le détermina à cette mesure.

C’est une des plus graves questions que celle qui nous occupe en ce moment. Livrer aux flammes des villes entières, détruire des propriétés qui sont des richesses accumulées par toute une population qui y trouve un véhicule