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prouvait une ferme résolution de la part de H. Christophe. En mettant le feu à sa propre maison, en faisant cet immense sacrifice, il déploya le drapeau de la résistance, dans l’espoir d’y entraîner la population noire ; il enveloppa dans sa ruine ces colons qui se montraient si satisfaits de l’arrivée de la flotte française, après avoir été les adulateurs perfides de T. Louverture ; il traça un exemple qui pouvait se répéter partout, dans les villes, dans les campagnes, pour anéantir jusqu’aux vestiges de leurs propriétés qu’on prétendait restaurer, mieux encore que ne l’avait fait T. Louverture. Certes, Christophe était l’un des officiers qui aidaient le plus le gouverneur général dans son affreux système ; mais quand on se proposait de le déporter, ainsi que tous les autres officiers supérieurs de la colonie qui avaient donné tant de gages de leur dévouement aux intérêts de la France, n’était-ce pas pour river encore plus les fers des malheureux que T. Louverture tenait sous le joug de son despotisme ? Alors, n’était-il pas convenable de remuer toute cette population par une de ces mesures grandes, audacieuses, qu’inspirent les grandes situations ? Quand le Russe Rostopchin livra Moscou aux flammes, le dernier des serfs de l’empire de Pierre-le-Grand ne fut-il pas animé d’une sainte ardeur contre les étrangers qui l’avaient envahi ?…

En incendiant le Cap, Christophe obvia encore à la perplexité dont était frappé T. Louverture, lorsqu’il apprit les préparatifs de l’expédition ; il compromit son chef ; il le porta, il le contraignit à la résistance ; il communiqua son énergie à d’autres officiers supérieurs de l’armée coloniale ; il inaugura une guerre de destruction, pour venger cette armée de la guerre à mort inaugurée par Rochambeau au Fort-Liberté ; il répondit enfin, et d’une manière