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qu’ils conspiraient. Lemoine, Bardet et les autres furent noyés à l’Anse-à-Veau : Gérin ne dut qu’à la protection de Segrettier qui s’y trouvait, d’avoir échappé à la mort ; il se sauva et se cacha dans les mornes.

Telle fut la récompense accordée à Bardet qui, au fort Bizoton, s’était rangé avec son bataillon de la 13e du côté des troupes du général Boudet. Ainsi il en eût été de Clervaux au Cap, ainsi il en fut de toute la 6e. On conçoit que l’avènement de Rochambeau au gouvernement colonial dut ranimer le zèle de ses sicaires dans le Sud, qu’il ne dut pas manquer d’y envoyer de nouveaux ordres sanguinaires, puisqu’au Cap même il fit noyer Maurepas, Bodin et les officiers et soldats de la 9e. Berger, commandant de la place des Cayes, avait rempli la prison de noirs et de mulâtres qu’on noyait successivement ou qu’on pendait.

Ces atrocités portèrent une cinquantaine d’indigènes, commandés par un noir nommé Joseph Darmagnac, à se révolter aux Cayes mêmes : ils s’emparèrent du quartier de l’îlet où ils se retranchèrent. Cet effort ne pouvait réussir : ils furent tous faits prisonniers et périrent. Ce fut un motif pour Berger, si cruel, de supposer que la majeure partie des indigènes de la ville étaient de connivence avec ceux que le désespoir seul avait armés : les noyades, la potence vidèrent la prison, et des arrestations eurent lieu sur ceux qui ne s’y trouvaient pas : c’est alors que périt le brave Vendôme qui fut pendu.

Braquehais, natif des Cayes, s’y était rendu après la soumission de Christophe : il fut noyé dans ces circonstances. Mais les lettres énergiques qu’il écrivit pour ce général perpétueront sa mémoire, car les tyrans ne sauraient anéantir la pensée qui exprime des sentimens honorables. Les tyrans persécutent, proscrivent, immolent