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et tant d’autres, dans la guerre de l’indépendance, — que Pétion, enfin, put toucher de nouveau le sol de son pays.

Nous sommes donc d’une opinion diamétralement opposée à celle émise par M. Saint-Rémy, dans sa Vie de Toussaint Louverture. Cet auteur dit en parlant de ce fait : « Christophe ne sut organiser, en l’absence de Louverture, aucun élément de défense : il ne vit point d’autre moyen de salut que l’incendie et la retraite honteuse dans les mornes, sans cartouches déchirées[1]. »

D’abord, quelles forces Christophe pouvait-il opposer à celles de la flotte ? La 2me demi-brigade, quelques artilleurs et quelques hommes préposés à la police de la ville du Cap. C’eût été une folie de sa part que de rester pour combattre de pied ferme des milliers d’hommes aguerris comme ceux qui arrivaient. N’avait-il pas fait la guerre à Saint-Domingue contre de telles troupes ? Ignorait-il qu’il faut les harceler sans cesse, en les contraignant à des marches et contre-marches qui hâtent le développement de la fièvre jaune, dans notre climat si meurtrier pour l’Européen ? Lorsque la guerre est malheureusement déclarée, chacun doit chercher à tirer parti des avantages que lui donne la nature. Si l’Européen abuse de ses lumières au détriment de l’Africain, son frère devant Dieu, eh bien ! que l’Africain use de tous les moyens que Dieu lui donne pour conserver la liberté départie à tous les hommes !

Ensuite, quant à l’incendie du Cap, ce fut sans doute une mesure désastreuse que celle qui réduisit en cendres une ville bien bâtie, dont les habitans étaient riches par leur industrie ; mais ce fut aussi une mesure énergique qui

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