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cette entreprise, il laissa une partie de ses gens autour de cette place et se porta avec l’autre jusqu’au Pont-de-Miragoane, après avoir guerroyé dans les mornes du Petit-Goave contre Delpech, commandant de cette ville, qui voulait l’empêcher de passer. Il paraît qu’il avait le dessein d’insurger le département du Sud, où des crimes avaient été commis tout récemment ; mais, par sa faute, il fut battu au Pont par un détachement de troupes françaises et un autre de compagnies franches, composé de mulâtres et de noirs que commandait Pérou, noir ancien libre. Ces derniers étaient disposés à faire défection pour se joindre à lui : ils lui envoyèrent l’un d’eux qu’il fît sacrifier dans un moment d’ivresse ; ils se vengèrent en aidant les Français à l’assaillir. Cangé s’enfuit et ne s’arrêta que dans la plaine de Léogane.


Lorsque Rochambeau n’était que commandant en chef de l’Ouest et du Sud, ce dernier département souffrait déjà des crimes de Darbois et de Berger. Laplume, aux Cayes, — Néret, à Aquin, isolés du contact des hommes supérieurs qui agissaient dans l’Artibonite, subissant d’ailleurs la pression des colons et des officiers français, ne pouvaient que satisfaire à leurs vues de destruction des indigènes[1]. Peu avant que Cangé vînt au Pont-de-Miragoane, Laplume avait ordonné l’arrestation, au Petit-Trou des Baradères, de Lemoine, commandant de ce bourg, de Bardet, qui y commandait la gendarmerie, de Gérin et d’autres hommes de couleur, sous le prétexte

  1. Quoique Boisrond Tonnerre les ait accusés d’avoir trop suivi les inspirations de Rochambeau, il a atténué ces accusations en disant : « On sut, dans plusieurs occasions, faire de Laplume et de Néret les assassins de leurs compatriotes. »