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bien des malheurs, et se fût épargné de grands chagrins. Je lui ordonnais, entre autres choses, de s’associer les hommes de couleur pour mieux contenir les noirs… Mais Leclerc fit tout le contraire ; il abattit le parti de couleur, et donna sa confiance aux généraux noirs. Il arriva ce qui devait arriver : il fut dupé par ceux-ci, se vit assailli d’embarras, et la colonie fut perdue…  »

Mais, si ces instructions secrètes furent remises à Rochambeau, et que celui-ci enchérit sur les mesures acerbes déjà prises contre les hommes de couleur, par la déportation de Rigaud avant celle de T. Louverture, etc., il faut croire que Bignon a eu raison de dire que : « les Mémoires de Sainte-Hélène ont été écrits d’après des souvenirs plus ou moins exacts : » ce qui signifie, en d’autres termes, qu’ils contiennent fort peu de vérité historique.

Cet état de choses doit donc faire admettre l’assertion d’Isaac Louverture, confirmée par les données de Pétion, concernant le dessein de la déportation à Madagascar, de tous les officiers jaunes et noirs embarqués sur la Vertu  : mesure qui aurait été prise infailliblement, si H. Christophe n’eût pas fait tirer sur le vaisseau et incendier la ville du Cap. Tant il est vrai de dire que, malgré eux, et quels que soient leurs ressentimens mutuels, noirs et mulâtresse soutiennent à leur insu, par la volonté de Dieu qui les a créés pour s’unir, afin d’arriver aux mêmes destinées.

Ainsi, le 4 février restera une date mémorable pour la race noire. Si 1794 vit proclamer ses droits à la liberté, — 1802 vit un décret encore plus solennel en faveur de ces droits sacrés, par l’incendie du Cap ; car cet événement fut cause que l’homme qui devait éclairer, déterminer, entraîner H. Christophe lui-même, Clervaux, Dessalines