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berté. Ces soldats noirs résistaient, il est vrai ; mais en qualité de militaires, ils obéissaient à leur chef. Mais, le même jour, au Port-au-Prince, le brave général Boude faisait aussi des prisonniers : les fit-il massacrer ? Non ! c’est qu’il y avait au fond de son cœur un sentiment de justice et d’humanité qui n’animait pas les généraux qui agirent dans le Nord.

Et le capitaine-général Leclerc avait-il fait précéder l’arrivée de la flotte par les fils de T. Louverture, chargés de lui annoncer sa venue ? S’il est vrai, comme l’a affirmé Pamphile de Lacroix, que les ordres du Premier Consul prescrivaient « de ne souffrir aucune vacillation dans les principes des instructions données au capitaine-général et à l’amiral, » il n’y avait donc aucune sincérité de la part du chef du gouvernement français, lorsqu’il disait à ces jeunes gens en présence de son beau-frère, qu’ils précéderaient la flotte ; car le général Leclerc aurait exécuté ses ordres.

À ce moment ils étaient encore à bord du vaisseau le Jean-Jacques, tandis que le capitaine-général était déjà au Cap.

Où se trouvaient Rigaud, Villatte, Léveillé, Pétion, Boyer, et les autres officiers embarqués sur la Vertu ? Cette frégate louvoyait à la vue du Cap. « Leur sort dépendait des événements : on attendait l’ordre de les débarquer ou de les déporter à Madagascar[1]. »

Pétion, qui avait éventé à Paris le secret qui leur importait, disait à ses compagnons, avant d’attérer sur Saint-Domingue : « Si le gouverneur T. Louverture ne fait aucune résistance, nous irons tous à Madagascar. » Lorsqu’il entendit le canon du fort Picolet, et qu’il vit les flam-

  1. Mémoires d’Isaac Louverture.