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Dès son arrivée, l’abbé Videau, curé de la paroisse, l’invita à déjeûner au presbytère : c’était là que son arrestation devait s’effectuer. Dessalines, ne pensant pas sans doute que ce prêtre était d’intelligence avec Andrieux, accepta son invitation et alla chez lui : cet officier y était. Au moment de se mettre à table, une femme de couleur nommée Madame Pageot, servante du curé, vint servir de l’eau à Dessalines pour se laver les mains : il la connaissait depuis longtemps et la traitait de commère. Cette femme savait également le projet d’arrestation, puisque des soldats français étaient cachés dans les appartemens du curé[1] ; elle saisit ce moment pour faire à Dessalines un signe significatif, exécuté avec la plus grande dextérité : ce signe consistait à retirer ses deux bras en arrière par un mouvement subit. C’était pour faire entendre à Dessalines qu’on allait le garotter comme un criminel, les bras liés derrière le dos.

Fin Renard, toujours éveillé comme la Pintade, ainsi que le dit Boisrond Tonnerre, d’ailleurs avisé déjà par Saget, Dessalines comprit sa commère, et au lieu de se mettre à table, il feignit d’avoir besoin de donner un ordre à l’un de ses officiers et sortit précipitamment du presbytère : ses mouvemens étaient toujours brusques. Le curé l’appelle ; il lui répond qu’il va revenir à l’instant. Mais il a déjà monté sur son cheval que des guides tenaient à la porte du presbytère, et ceux-ci le suivent. La place d’armes était en face : rendu là, Dessalines tire deux coups de pistolet en appelant les indigènes aux armes ! À ce signal, Cottereau envahit le bourg avec ses cultivateurs.[2]

  1. L’église et le presbytère sont situés à l’extrémité occidentale du morne de la Crête à-Pierrot, et non loin de ce fort.
  2. J’ai entendu raconter ainsi tous ces faits par le respectable Simon, noir