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Dans ces circonstances, pour ne point compromettre la possession de la colonie, j’ai ordonné que l’armée se réunît dans les places principales, que les hôpitaux et les poudres fussent évacués sur les points où ils peuvent être à l’abri de toute insulte. J’ai ordonné que les citoyens fidèles à la France (noirs et jaunes) fussent admis dans les villes où se rassemble l’armée : c’est là que nous attendrons les troupes qui nous sont annoncées de France et qui nous serviront à reconquérir la colonie et à punir les traîtres et les rebelles.

Mais, de ce que l’armée se concentrait, de ce que les malades étaient évacués sur la Tortue, de ce que des munitions et des vivres étaient embarqués, des malintentionnés ont cherché à induire que l’année allait évacuer Saint-Domingue, et ils ont répandu ce bruit. Si l’armée se concentre, je vous en ai déduit les motifs ; si les malades sont évacués sur la Tortue, c’est que la tranquillité, si utile à leur rétablissement, leur est refusée au milieu du tumulte des armes, et que d’ailleurs le local des hôpitaux était nécessaire pour l’établissement des troupes et des manutentions ; si les munitions sont embarquées, c’est qu’il n’existe pas au Cap un seul magasin à poudre, et que dans des circonstances comme celles où nous sommes on ne doit pas laisser l’existence de la ville à la merci d’un furieux ; si on embarque des vivres, c’est qu’il faut fournir des alimens aux malades et aux convalescens qui sont en grand nombre à la Tortue.

Citoyens, soyez calmes. Confiance et ralliement au gouvernement : voilà quelle doit être votre devise. L’armée vous a promis de ne point vous abandonner ; elle tiendra parole.
Leclerc.

C’est toujours une fâcheuse position pour un gouvernement, d’être forcé à expliquer, à justifier ses mesures contre les bruits semés par la malveillance. Cette proclamation prouve que le capitaine-général n’avait plus lui-même une grande confiance dans le résultat de cette lutte, ouverte si injustement contre la race noire ; et elle justifie l’assertion de P. de Lacroix, sur l’impression produite en son esprit par la défection de Pétion surtout. Il y a en effet des hommes dont la valeur personnelle détermine toute une situation.