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Quant aux troupes qui, dites-vous, débarquent en ce moment, je ne les considère que comme des châteaux de cartes que le vent doit renverser.

Comment pouvez-vous me rendre responsable des événemens ? Vous n’êtes point mon chef, je ne vous connais point, et par conséquent, je n’ai aucun compte à vous rendre jusqu’à ce que le gouverneur vous ait reconnu.

Pour la perte de votre estime, général, je vous assure que je ne désire pas la mériter au prix que vous y attachez, puisqu’il faudrait agir contre mon devoir pour l’obtenir.

J’ai l’honneur de vous saluer, H. Christophe[1].

La députation avait reçu de Leclerc des exemplaires de la proclamation du Premier Consul et d’une autre qu’il avait rendue lui-même, pour mieux expliquer les intention de la France[2]. Il promettait à tous les militaires la conservation de leurs grades, à tous les fonctionnaires publics celle de leurs emplois : ce qui impliquait leur maintien dans la colonie, — tandis que les instructions formelles dont il était porteur prescrivaient la déportation des officiers supérieurs de l’armée coloniale, sous le mot de services à rendre dans la métropole, et que bien certainement la plupart des fonctions publiques allaient être remplies par les arrivans. Au reste, ceci ne doit pas surprendre : c’est le langage ordinaire à tout pouvoir qui veut obtenir des succès.

La municipalité s’empressa de répandre ces deux proclamations, en les faisant même afficher.

  1. Cette lettre énergique fut écrite par un mulâtre du Sud, nommé Braquebais, qui était secrétaire de Christophe. Il avait été élevé en France.
  2. L’une et l’autre proclamation avaient des exemplaires imprimés en langage créole. Quelque colon s’était exercé à la traduire ainsi, afin d’assurer un plein succès à l’expédition. Le Moniteur contient une pièce qui fait mention de cette particularité.