La députation, revenue au Cap, seconda cette lettre en faisant à Christophe mille prières de ne pas résister à Leclerc. Mais Christophe, encore plus indigné que le capitaine-général, par le ton menaçant qu’il avait pris, apostropha un nommé Lagarde, commissaire du gouvernement près le tribunal civil, qui insistait davantage : « Vous parlez comme un colon, lui dit-il, comme un propriétaire : je n’ai point confiance en vous. »
Christophe voyait clair enfin à l’égard des colons !… Il répondit immédiatement à Leclerc, en renvoyant Lebrun et l’aide de camp avec sa réponse. La voici :
Henri Christophe, général de brigade, commandant l’arrondissement du Cap,
Votre aide de camp, général, m’a remis votre lettre de ce jour. J’ai eu l’honneur de vous faire savoir que je ne pouvais vous livrer les forts et la place confiés à mon commandement, qu’au préalable j’aie reçu les ordres du gouverneur Toussaint Louverture, mon chef immédiat, de qui je tiens les pouvoirs dont je suis revêtu. Je veux bien croire que j’ai affaire à des Français, et que vous êtes le chef de l’armée appelée expéditionnaire ; mais j’attends les ordres du gouverneur, à qui j’ai dépêché un de mes aides de camp pour lui annoncer votre arrivée et celle de l’armée française ; et jusqu’à ce que sa réponse me soit parvenue, je ne puis vous permettre de débarquer. Si vous avez la force dont vous me menacez, je vous prêterai toute la résistance qui caractérise un général ; et si le sort des armes vous est favorable, vous n’entrerez dans la ville du Cap que lorsqu’elle sera réduite en cendres, et même sur ces cendres, je vous combattrai encore.
Vous dites que le gouvernement français a envoyé à Saint-Domingue des forces capables de soumettre des rebelles, si l’on devait y en trouver : c’est vous qui venez pour en créer parmi un peuple paisible et soumis à la France, d’après les intentions hostiles que vous manifestez ; et c’est nous fournir des argumens pour vous combattre, que de nous parler de rébellion.