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Dans cet intervalle, Leclerc était retourné au Cap. À peine il avait quitté la Tortue, qu’une insurrection s’y manifesta par l’incendie des habitations et le meurtre des blancs. Le colonel Labattut, qui y commandait, réussit à ramener l’ordre, parce qu’il était aimé de cette population qu’il administrait avec douceur : il ménagea le sang des insurgés, encourut la disgrâce de Leclerc et fut dégradé. Les noirs furent condamnés à payer une somme assez importante, pour être employée aux reconstructions des propriétés qu’ils avaient incendiées[1].

Depuis la déportation de T. Louverture, Charles Bélair songeait à le venger en se plaçant à la tête d’une insurrection. Retiré dans la commune des Verrettes, il s’y prépara en se mettant en rapport avec des hommes qui devaient seconder cette entreprise. C’étaient Jérôme, aux Verrettes, Destrade, Jean-Charles Courjolles, Jean-Toussaint Labarre, Jean Dugotier, à l’Arcahaie, tous noirs, et Larose, homme de couleur, chef de bataillon de la 8e : ce dernier réunit des soldats de ce corps, et les autres des cultivateurs des montagnes des Verrettes et de l’Arcahaie. En s’organisant, C. Bélair avait la prétention d’être le général en chef des indigènes, et il en prit le titre. Or, c’était cette prétention qui devait lui attirer les foudres de Dessalines, son ennemi personnel, qui se réservait lui-même ce rôle, et qui, il faut le dire, l’était réellement de fait depuis la mort de Moïse. Ce mouvement eut lieu dans le mois d’août.

  1. Labattut, ancien négociant du Cap, était devenu propriétaire de toute l’île de la Tortue en 1785, en l’achetant du duc de Praslin. Voyez Moreau de Saint-Méry, t. 1er, p. 731. Les noirs de cette île étaient donc ses anciens esclaves : de là les ménagemens qu’il eut pour eux. C’était un bon colon, chose assez rare.