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en sa possession quelques villes durant cinq ans, c’était au moyen des troupes noires et de couleur que ses généraux avaient formées dans la colonie ! Non, on n’a pu l’ignorer ; mais on était d’abord si certain du mécontentement de la population indigène sous T. Louverture, et ensuite si persuadé de la puissance magique du nom de la France sur son imagination, que l’expédition de la fin de 1801 fut jugée infaillible dans ses succès. Oui, elle l’eût été, mais à une condition : c’était d’apporter la vraie liberté, la bonne foi, une sincérité sans bornes envers cette population qui n’avait soupiré qu’après l’apparition des forces protectrices de la France, pour être débarrassée du dictateur qui l’opprimait.

Toutefois, certains chefs de l’armée coloniale, qui avaient leurs vues secrètes, ne refusèrent point leur concours au désarmement des cultivateurs. Ils savaient qu’il fallait faire pénétrer dans ces masses, la certitude qu’on voulait les replacer réellement dans l’esclavage : en leur ôtant les armes qu’elles tenaient en leurs mains depuis dix ans, c’était le meilleur moyen de les convaincre. Comme les exécutions à mort déjà commencées n’atteignaient encore que des individus, cela ne suffisait point ; et pour parvenir à la réalisation de leurs vues secrètes, ces chef savaient nécessairement besoin du concours des cultivateurs des campagnes : delà leur dévouement apparent aux intentions du capitaine-général. Sans parler de Pétion, Dessalines, qui a montré de si grandes rigueurs dans ce désarmement, ne s’était-il pas vu pour chasser dans les montagnes de Jacmel, à l’arrivée de l’expédition, quoiqu’il employât tous les moyens pour persuader les cultivateurs de ces cantons, qu’elle venait dans le but du rétablissement de l’esclavage ?