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venir admirer les merveilles de la civilisation, dans cette France toujours si libérale, si généreuse, lorsqu’elle est laissée à ses propres instincts ; de venir y séjourner, y résider sous la protection de ses lois, en jouissant de l’exquise urbanité de ses mœurs.

Une réflexion naît cependant de l’acte des Consuls que nous venons de citer. Conçoit-on l’influence qu’il a dû exercer à Saint-Domingue, de même que la loi du 20 mai sur le rétablissement de l’esclavage, quand on en eut connaissance ? Capitaine-général, généraux, amiraux, officiers de tous grades, soldats, marins, et surtout colons de tous rangs, n’étaient-ils pas en quelque sorte invités, par ces actes, à mettre en pratique toutes les rigueurs, toutes les horreurs susceptibles d’en aggraver les dispositions ? Désormais, que devenaient à leurs yeux les noirs et les mulâtres de cette colonie, sinon des bêtes féroces qu’il fallait à tout prix subjuguer ou détruire ?

Nous savons déjà, par Pamphile de Lacroix, que Leclerc avait communiqué ses instructions au général Boudet ; mais est-il possible qu’il ne les ait pas communiquées aussi à Rochambeau et aux autres principaux généraux ? Les mesures qu’il avait déjà prises à l’égard de Rigaud, de T. Louverture et des officiers subalternes, se trouvant confirmées par des actes où la colère du gouvernement de la métropole se montrait inexorable, la chasse aux tigres (de M. Bignon) devenait un moyen de se recommander à son estime. Les Rochambeau, Lavalette et Panis, dans l’Ouest ; les Darbois et Berger, dans le Sud ; les Brunet et Boyer, dans le Nord, sans compter d’autres individus moins importans, le comprirent ainsi.

Mais il était réservé à des âmes d’élite, à des cœurs généreux, de comprendre autrement leur devoir envers