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étant parvenue en France et aux États-Unis, dut faire affluer les navires de commerce dans les ports de la colonie. Aussi l’abondance y régnait à cette époque, et ces navires trouvaient des produits qu’ils exportaient avec avantage.

Tout souriait donc à l’autorité du capitaine-général. Et comme, dans son aveuglement et son engouement pour les colons grands propriétaires, de même que dans l’intérêt de son aristocratie militaire, T. Louverture avait tracé des précédens contraires aux intérêts des noirs cultivateurs, Leclerc ne trouva rien de mieux à faire que de les adopter, puisqu’il poursuivait le même but.

Ainsi, après avoir proclamé son règlement de culture, en donnant une très-grande force d’action aux autorités militaires et à la gendarmerie, Leclerc défendit aux notaires, ainsi que son prédécesseur, de passer des actes de vente de moins de 50 carreaux de terre. C’était encore pour empêcher que les cultivateurs ne devinssent petits propriétaires, et pour les contraindre à exploiter les grandes habitations. Il y ajouta, en défendant à ceux d’une habitation, de se marier aux femmes d’une autre habitation que celle où ils travaillaient. Se marier était le terme légal employé par respect pour les bonnes mœurs ; mais comme généralement les rapports des deux sexes étaient fondés sur le concubinage, les officiers militaires savaient qu’en vertu de cet acte ; il fallait également les empêcher.

Les passeports et les cartes de sûreté, adoptés par le régime de fer de T. Louverture sur le modèle tracé par le régime révolutionnaire de la France, vinrent ajouter à ces mesures et les compléter. Aussi, quand la gendarmerie rencontrait des cultivateurs sur les grandes routes, non munis de ces choses, elle, ne se faisait aucun scrupule