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Cette opposition porta Leclerc à prendre un mezzo-termine, en attendant qu’il pût mieux faire. Le 1er juillet, il rendit un arrêté qui maintint, à peu de chose près, les règlemens publiés par T. Louverture, notamment celui du 12 octobre 1800. À ce sujet, nous lisons dans l’ouvrage de Thibaudeau :

« Quant à l’état des noirs, la guerre avait résolu le problème. Il était évident qu’on n’avait l’intention de leur laisser que la portion de leur liberté qu’on ne pourrait plus leur reprendre. Les noirs n’étaient pas sous Leclerc plus malheureux que sous le sceptre de fer de Toussaint Louverture ; mais ils obéissaient avec répugnance à un chef qui n’était pas de leur couleur[1]. »

Ils obéissaient avec autant de répugnance sous T. Louverture ; mais ce chef de leur couleur était dans une position telle, après ses succès contre Rigaud, que les noirs étaient contraints d’obéir sous la verge et le bâton, aidés de la féroce baïonnette.

Le développement de la fièvre jaune fut si grand, que le conseil colonial perdit plusieurs de ses membres et fut dissous par l’épidémie elle-même. Le commissaire de justice Desperoux était mort aussi le 5 juin[2]. Des trois grands fonctionnaires de la colonie, il ne restait que le capitaine général qui devait bientôt payer le même tribut au climat des Antilles. En attendant, il fit remplacer en titre Benezech par Mongirault, qui était commissaire du gouvernement à Santo-Domingo, et Desperoux par Minuty, qui remplissait les mêmes fonctions au Cap.

  1. Tome 3, p. 335.
  2. Le lendemain, Benezech déjà atteint de la maladie depuis six jours, écrivit au ministre de la marine ; il lui annonça la mort de Desperoux en prévoyant la sienne avec un sang-froid étonnant : sa veuve et une de ses filles moururent en mer, à leur retour, par la même maladie.