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survenue autrement que par la faim. Ils restèrent ainsi étrangers à l’attentat. Après ce refus, le gouverneur supposa quelque mal violent. Il fit appeler des chirurgiens pour ouvrir le cerveau ; et dans l’acte de décès, on inscrivit qu’il avait été frappé d’apoplexie séreuse, maladie prompte, mais obscure dans ses traces[1]. »

Tel est le récit d’un témoin oculaire des faits, au dire de l’écrivain que nous citons. Mais il ajoute : « Le crime que nulle part on ne peut cacher, fut connu dans les deux mondes. Seulement on ignorait de quelle manière il avait été exécuté ; les uns attribuèrent cette mort au poison, les autres à la corde, d’autres au froid : le peuple, dont la voix égale celle de la divinité (et qui souvent aussi est d’une crédulité pitoyable), ne la crut point naturelle.  » Enfin, cet écrivain fait cette réflexion : « Quoi qu’il en soit, Toussaint devait finir par périr sous les neiges du Jura, non moins mortelles pour lui, que la faim, le fer ou le poison. »

A. Métral termine ainsi par où il devait commencer ; car, à moins de vouloir lire avec les yeux de la prévention le récit qu’il a donné dans son livre, quel lecteur judicieux peut se dire convaincu de l’existence d’un crime dans la mort de T. Louverture ainsi relatée ? Il ressort de tout ce qu’aurait dit Colomier, que rien n’est bien prouvé à la charge d’une intention coupable de la part du gouverneur du fort de Joux. Et nous observons que, s’il est vrai qu’il pût ainsi s’absenter de son poste, déléguer ses fonctions à un capitaine de cavalerie qui n’était à Pontarlier que

  1. Pages 201 à 208 de l’édition de 1825 ; Paris, chez Fanjat aîné, libraire-éditeur.

    Le gouverneur ou commandant du fort de Joux se nommait Baille  : c’était un chef de bataillon.