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C’est à peu près dans le temps où Gazagnaire faisait savoir le triste état du malheureux prisonnier, alors qu’il avait le plus besoin de l’assistance du fidèle compagnon de sa captivité, que le gouvernement français donna l’ordre d’enlever du fort de Joux son domestique, Mars Plaisir[1]. Ce fut une poignante douleur pour T. Louverture qui, malade et souffrant, avait du moins la consolation de causer dans l’intimité avec un homme de son pays, avec un frère de sa race : il l’embrassa, en le chargeant de transmettre ses derniers adieux à sa famille, en le remerciant de ses services et de son dévouement.

Cet homme, qui n’était coupable que d’un attachement sans bornes à son maître, à son ancien chef, fut chargé de chaînes et conduit de brigade en brigade jusqu’à Nantes, où il fut mis en prison et an secret. Il y resta plusieurs mois avant d’être mis en liberté dans cette ville, mais placé sous la surveillance de la police.


Un écrivain français, Antoine Métrai, qui a publié en 1825 une Histoire de l’expédition des Français à Saint-

    « faute d’ombre. Ils continuent exprès de me faire habiter la plus mauvaise partie de l’île. Lorsque j’étais aux Briars, j’avais du moins l’avantage d’une promenade ombragée et d’un climat doux ; mais ici, on arrivera plus vite au but qu’on se propose…  » (O’méara).

  1. Chaque jour il (le gouverneur) imagine de nouveaux moyens de me tourmenter, de m’insulter et de me faire souffrir de nouvelles privations. Il veut abréger ma vie en m’irritant tous les jours. D’après ses dernières restrictions, il ne m’est pas permis de parler à ceux que je rencontre. Cette liberté n’est même pas refusée aux criminels condamnés à mort. On peut tenir un homme enchaîné, renfermé dans un cachot, au pain et à l’eau, mais on ne lui refuse pas la liberté de parler… Moi, j’ai été condamné sans être entendu et sans Jugement, au mépris de toutes les lois divines et humaines ; on me retient prisonnier…, séparé de ma femme et de mon fils…  » (O’méara, Napoléon dans l’exil.)

    Qui peut lire de telles choses sans plaindre le sort du prisonnier, de l’époux et du père, sans y compatir sincèrement, sans éprouver de l’indignation ?