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son rasoir. « Il faut, a-t-il dit, que ceux qui ordonnent de m’enlever cet instrument, me jugent bien mal, puis-qu’ils soupçonnent que je manque du courage nécessaire pour supporter mon malheur. J’ai une famille, et d’ailleurs, ma religion me défend d’attenter à mes jours. »

Enfin, le général Cafarelli a déclaré que T. Louverture lui a paru patient, résigné, et attendant du Premier Consul l’indulgence qu’il croit mériter. Il lui a dit en dernier lieu, qu’il n’avait qu’un seul reproche à se faire : c’était d’avoir fait publier la constitution de 1801, avant la sanction du gouvernement français. Son espoir était que le Premier Consul lui permettrait de vivre tranquillement sur ses propriétés.

Le rapport se termine en disant : « Sa prison est saine et sûre : il ne communique avec personne. J’ai recommandé la plus scrupuleuse vigilance à son égard. »


Il y a déjà longtemps que la postérité est arrivée pour Toussaint Louverture. Des jugemens divers ont été portés sur ce noir célèbre qui, du sein de l’esclavage, a su se frayer une route pour arriver au pouvoir suprême dans la colonie française de Saint-Domingue, toujours gouvernée par des blancs européens. Ces jugemens ont envisagé sa conduite politique, relativement à la France surtout, et sur ce point ils ont été plus ou moins passionnés : relativement à son pays et à la race noire dont il était[1]

  1. vieux haillons de soldats, déjà à moitié pourris, et des souliers de même. « Avais-je besoin que l’on ajoutât cette humiliation à mon malheur ? » Digne et éloquente protestation contre la méconnaissance des immenses services qu’il rendit à la France ! T. Louverture était d’une propreté recherchée dans ses vêtemens : il dut réellement souffrir de cette lésinerie exercée à son égard.