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ce moment, invita Lebrun à monter à cheval avec lui pour aller en ville : peut-être voulait-il se donner un otage.

Dans le trajet, Lebrun laissa tomber un de ces paquets de proclamations qui fut bientôt après apporté à Christophe. Celui-ci l’avait conduit à la maison du gouvernement ; là, il consentit à remettre les autres paquets, à raison de cette circonstance.

Christophe passa dans une pièce du palais pour prendre connaissance de la proclamation. Il déclara alors à Lebrun qu’il ne recevrait pas la flotte, sans ordre formel du gouverneur général à qui il écrirait pour lui donner avis de son arrivée. Lebrun essaya de le corrompre, en lui parlant des faveurs que lui réservait le gouvernement français. Mais Christophe lui répondit avec fierté, qu’il ne souscrirait à rien, et que d’ailleurs la proclamation du Premier Consul respirait le despotisme et la tyrannie [1]. Voici cet acte :


LE PREMIER CONSUL,
Aux Habitants de Saint-Domingue.

« Quelles que soient votre origine et votre couleur, vous êtes tous Français, vous êtes tous libres et égaux devant Dieu et devant les hommes.

La France a été, comme Saint-Domingue, en proie aux factions et déchirée par la guerre civile et par la guerre étrangère ; mais tout a changé : tous les peuples ont embrassé les Français, et leur ont juré la paix et

  1. Pamphile de Lacroix affirme que T. Louverture arriva dans ces circonstances, et qu’il changea les bonnes dispositions de Christophe à recevoir la flotte. Mais c’est un conte fondé sur ce que, élevant la voix en parlant à Lebrun, celui-ci crut que le gouverneur général se tenait dans une pièce voisine, et que Christophe voulait lui faire entendre leur conversation. C’était l’habitude de ce général de parler ainsi : devenu Roi, il s’en fit une sorte de manie.