Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait complètement paralysé les troupes françaises, T. Louverture a repoussé cette imputation en prétendant qu’il avait dit plusieurs fois que, Leclerc marchant contre lui, il se bornerait à se défendre jusqu’au mois de juillet ou août, et qu’alors il eût commencé à son tour ; c’est-à dire, qu’à cette époque il aurait pris lui-même la guerre offensive ; mais qu’il avait réfléchi ensuite sur les malheurs de la colonie et sur la lettre du Premier Consul, et qu’il fit sa soumission.

Cette manière de se défendre est en quelque sorte un aveu des intentions qu’on lui a prêtées, surtout lorsqu’on envisage sa lettre à Dessalines, datée des Gonaïves, et qu’on se rappelle à quel point il aimait son pouvoir. Il est d’ailleurs peu de chefs qui, dans de pareilles circonstances, n’auraient pas songé à y remonter. Quand on a bu à cette coupe délicieuse de l’autorité, il est difficile de la rejeter ensuite. Prisonnier, réclamant un adoucissement à son état, il n’aurait pu convenir au surplus d’une intention coupable contre la souveraineté de la France qu’il avait déjà méconnue.

Après l’exécution de l’infortuné Fontaine, le général Leclerc publia la proclamation suivante :

Au quartier-général du Cap, le 22 prairial an X (11 juin).

Le général en chef, capitaine-général de la colonie de Saint-Domingue,

Aux habitans de Saint-Domingue.
Citoyens,

Toussaint conspirait ; vous en jugerez par une lettre ci-jointe adressée au citoyen Fontaine. Je n’ai pas dû compromettre la tranquillité de la colonie. Je l’ai fait arrêter, embarquer, et je l’envoie en France, où il rendra compte de sa conduite au gouvernement français. Dans une autre lettre adressée au citoyen Fontaine, il s’emporte en invectives contre le général Christophe, et il se plaint que le général Dessalines l’a abandonné.