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devenir après sa lutte. Il est fort probable, au contraire, que si, à l’arrivée de l’expédition, Leclerc lui eût envoyés es fils et leur précepteur, avec la lettre du Premier Consul, si flatteuse pour lui à certains égards, en l’accompagnant d’une autre de lui-même contenant des témoignages d’une haute considération, il eût cédé le pouvoir sans résistance ; car T. Louverture était trop perspicace pour n’avoir pas apprécié sa situation, pour n’avoir pas reconnu qu’il était dans une impasse, que sa puissante autorité morale sur ses frères avait perdu tout son prestige, immédiatement après l’assassinat de Moïse et la cruelle vengeance exercée sur les noirs du Nord.

Mais son amour-propre, sa vanité, son orgueil s’étant révoltés contre le manque de tous bons procédés à son égard ; la résistance faite par Christophe en incendiant le Cap, la décharge qu’il essuya en allant au-devant de la colonne de Hardy, avaient décidé de son sort. En voyant ensuite la coopération qu’il reçut de plusieurs de ses généraux, de ses troupes et même des cultivateurs du Nord et de l’Artibonite, il s’aveugla sur les causes réelles de leur résistance, et il dut croire que l’opinion était revenue en sa faveur. De là son espoir de remonter au pouvoir, et les manœuvres secrètes qu’il préparait et dont ses deux lettres à Fontaine seraient la preuve. On conçoit que s’adressant ensuite au Premier Consul, il ne pouvait que se présenter comme une victime de la mauvaise foi ou des préventions injustes du général Leclerc. Par la même raison, Isaac, qui a pu néanmoins ignorer ce que faisait son père en secret, ne l’aurait pas dévoilé dans ses mémoires publiés pour sa justification.


Quoi qu’il en soit, voyons-le se dirigeant sur l’habita-